La déshydratation, une technique de conservation méconnue.
Savez-vous que 45% des fruits et légumes achetés sont jetés ? Pour faire face à ce gaspillage écologique considérable, il existe plusieurs techniques de conservation dont certaines sont ancestrales comme la lactofermentation ou le séchage ou encore la pasteurisation, la conservation par le vinaigre, le sucre ou l’alcool. Aujourd’hui nous allons parler d’une forme moins connue qui peut être pratiquée à petite échelle chez soi durant la belle saison et permet aussi de profiter tout le long de l’année de certaines plantes et aliments sous forme d’en cas, de tisanes ou pourquoi pas comme ingrédients culinaires pour l’élaboration de recettes : j’ai nommé « le séchage/la déshydratation ».
La conservation est réussie quand elle permet de garantir la qualité sanitaire et micro nutritionnelle des aliments. Côté sanitaire, le séchage permet de réduire le taux d’humidité des aliments à moins de 10%, or les micro-organismes ont besoin d’un environnement avec une humidité supérieure à 16% pour se développer. Côté nutritionnel, le séchage à cela d’intéressant par rapport à d’autres formes de conservation qui impliqueraient une cuisson par exemple, qu’il peut garantir une meilleure teneur en nutriments et micro-nutriments de par un procédé le plus souvent naturel (chaleur du soleil) qui ne dépasse pas certaines températures (entre 40° et 60° en général). Ainsi, les vitamines et les polyphénols (molécules au pouvoir anti-oxydant) sont mieux conservés.
Mais comment se lancer dans la déshydratation ? Est-ce que je peux faire ça moi-même chez moi avec peu de matériel ? Si vous disposez d’un endroit suffisamment chaud, à l’abri de la lumière, au sec et ventilé, tout est possible. Commencez par suspendre des aromates comme de la sauge, du romarin, de la menthe ou de l’origan en bouquet avec une simple ficelle. L’étape suivante consisterait à improviser une claie avec une cagette dont vous aurez retiré le fond et à laquelle vous aurez agrafé un ancien voilage. Vous pouvez ainsi les superposer et mettre plus de choses qui ne se suspendent pas, mais il serait délicat d’y sécher des choses humides comme des tomates cerises ou des fraises. Là un peu de bricolage avec des tasseaux de bois et une moustiquaire en inox ou store à fromage agréés pour le contact alimentaire feraient très bien l’affaire. Sinon, rien ne vous empêche d’utiliser votre four si il descend suffisamment bas au niveau température ou d’investir dans un déshydrateur électrique (de forme carrée, c’est plus pratique). Personnellement, j’ai eu le plaisir de fabriquer mon propre séchoir solaire cette année avec l’asbl Graine d’Espoir et malgré la météo plutôt défavorable, je parviens à sécher bon nombre de plantes et je l’espère les petites tomates et les tranches de pommes dès que la saison le permettra. L’hiver, vous pouvez placer votre claie au-dessus d’une source de chaleur comme un poêle ou un radiateur.
Comment savoir quand un aliment ou une plante sont suffisamment secs ou si le séchage s’est bien passé ? Sécher, en fonction de la température, du taux d’humidité, du type d’aliment, peut prendre un temps très variable, entre 7 et 30 heures ! C’est donc à vous d’être à l’observation. Votre aliment qui sera le plus fin possible, devra se briser facilement, ne pas présenter de moisissure ou avoir noirci durant le séchage. Les conditions de conservation de vos aliments séchés sont aussi importantes que le séchage lui-même, ils devront rester à l’abri de la lumière dans une boite hermétique ou un sac en papier en fonction du type d’aliment. Si vous savez retirer l’air c’est encore mieux. Ainsi, vous pourrez profiter toute l’année d’aliments saisonniers cueillis et séchés au meilleur de leur maturité et potentiel nutritionnel.
Vous ne souhaitez pas vous lancer dans le séchage vous-même ? Ça tombe bien, j’ai un chouette producteur à vous présenter. Philippe Emanuelli, chef Bruxellois, a créé Supersec sur un coup de cœur il y a quelques années en goutant des champignons séchés en provenance de Grèce. De cette découverte est née une collaboration, puis un projet de valorisation des magnifiques dispositions de la nature associées au savoir-faire humain. Algues et fruits séchés conditionnés en Belgique, sont donc venus renforcer la gamme des champignons avec ce fil conducteur qu’est le goût et l’opportunité de proposer quelque chose de différent, à la saveur unique. Il n’y a pas de fraises ou de pommes locales dans l’offre Supersec pour la simple et bonne raison que nous ne disposons pas des conditions météo propices au séchage solaire naturel, encore moins dans un cadre industriel (à vous donc d’expérimenter chez vous pour ces aliments locaux qui sont en abondance à certains moments de l’année chez nous). En outre, l’empreinte écologique du transport d’un produit qui fait 10% de son poids initial est bien moindre, surtout si il est acheminé par bateau. Pour Line Couvreur, créatrice culinaire pour Supersec et auteure, « le sec n’est pas le frais en moins bien ». Prenons les champignons qu’on va réhydrater à la cuisson à la poêle avec une petite sauce, ils n’auront pas la texture du champignon frais ou cuit, ils seront plus moelleux, plus concentrés en goût. Son coup de cœur ? Mixer finement des champignons séchés et les mélanger à un bon beurre de ferme au lait cru et faire des mouillettes pour les œufs à la coque. « La majorité des fruits secs seront consommés comme des en-cas » nous confie Line « mais ce qui est encore mieux c’est de les cuisiner, dans une tajine par exemple ».
Alors que ça soit pour faire des tisanes de plantes, des en-cas durables ou de la fine gastronomie à toutes saisons, les aliments séchés ont tout à fait leur place sur de notre table. A vous de les incorporer comme partie intégrante d’une stratégie de conservation antigaspi et de valorisation culinaire.